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COURRIER DU COEUR – KOMMA

Dernière mise à jour : 17 juil.

chère martine doyen,

Je voudrais juste vous écrire parce que je viens de découvrir votre travail. Et quelle découverte. Hier soir j’ai regardé komma et ce matin à 6 heure je me suis levé pour le revoir. Comme je suis heureux de voir que cela existe. Quel unique et merveilleux éloge au cinéma. Et à la vie. Vous avez fait une galaxie de films en un seul film. Je suis très ému, ébloui, et étonné par la simplicité infinie et la clarté mystérieuse. Vous racontez une histoire qui en soi apparaît très simple, qui est même un cliché légendaire: homme et femme / perte de mémoire / voyage. Mais justement vous montrez avec une rare lucidité la mise en abîme d’une telle histoire. En néerlandais le mot pour un cliché c’est “een gemeenplaats” littéralement le lieu pour le commun, le lieu de rassemblement pour ce qu’on partage. L’histoire de base avec même le château à Bavare nous invite tellement à y joindre, et en même temps de plus qu’on y approche, de plus qu’on est seul dans ce commun qui se dédouble pour enfin se rendre compte qu’on est ensemble dans cette solitude. Quel diamant votre film. Je suis étonné que ce n’est que maintenant que je découvre, je pensais qu’un film pareil aurait gagné au moins quelques palmiers avec un ours dans sa couronne qui suce à un oscar ou deux, trois. Le temps fera son travail et votre film vivra autant plus. Peter ou Lars ou Arno aimerait montrer à Lucy le château original. Malgré leur voyage, malgré qu’on voit qu’ils sont vraiment là en face du château, malgré l’histoire archetypal de l’homme et de la femme, il n’y a pas d’original. L’original c’est le rêve de Walt Disney copy-collé d’un rêve d’un roi fou copy-collé d’un rêve de Wagner copy-collé d’un rêve d’un rêve. Vous avez fait un film très profond et cohérent sur le manque, sur un glissement inévitable, sur le simulacre, et en même temps sur la tendresse, l’audace et l’humour qui peut aussi bien nous accompagner. Et justement, c’est cet accompagnement, ce style, ce ton aussi poétique et audacieux et drôle qui est autant plus pertinent, cohérent et joyeux. Parce que justement c’est ça, l’histoire originale que vous nous racontez c’est qu’il n’y a pas d’histoire originale. Mais ce que ce que nous pourrons avoir, réellement, et c’est ce que vous nous donnez avec une telle générosité et plaisir, c’est la poésie, l’image, la tendresse, la joie, le rythme: le cinéma. Je vous écris maintenant pendant que le soleil se lève ici sur Bruxelles, et je vous remercie de tout mon coeur pour cette aventure.

Pieter ( Belgium, janvier 2020)

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